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Hybridation sociale et l’appropriation des tiers-lieux



Née à Paris de parents Cambodgiens qui ont fui le régime des Khmers rouges, Carine Sit se décrit comme un « bébé Croix-Rouge ». Sans l’aide des services de rapprochement familiaux de la Croix-Rouge française, l’actuelle directrice générale adjointe de la Croix Rouge française (CRf) n’aurait peut-être jamais été amenée à l’âge adulte à se questionner sur ses origines et à adopter une « identité d’entre-deux », qui est une « double-culture non pas en 50-50, mais en 100-100 ».

S’appuyant sur son histoire familiale et ayant grandi à Paris dans un milieu multiculturel, Carine Sit cherche dès ses premières expériences professionnelles à créer un lien entre des mondes différents. Très vite, elle se spécialise dans l’entrepreneuriat social qui a, selon elle, le pouvoir d’instrumentaliser le marché à des fins sociales et environnementales.


Convaincue par ses expériences professionnelles et personnelles que l’innovation sociale ne peut émerger que dans un contexte valorisant la diversité et l’hybridation. Carine Sit facilite la rencontre et la confrontation entre les différents avis d’experts et opinions, en créant des espaces de dialogue. Ceci doit, selon elle, permettre d’adopter de nouvelles approches de l’action. Pour elle, cette hybridation se concrétise par les tiers lieux qui sont des lieux d’expérimentation dans l’univers très réglementé de l’urbanisme. Ces espaces créés jouent le rôle d’intégrateur auprès de populations précaires, telles que les migrant.e.s ou les personnes en accompagnement psychiatrique, qui sont invisibilisées par l’exclusion socio-spatiale de la ville moderne. La mixité d’usager.ère.s des tiers-lieux permet de recréer du lien social et de la diversité grâce à une approche inclusive et une programmation animée.


Arrivée à la Croix-Rouge française en octobre 2021, Carine Sit est chargée de repenser les lieux d’implantations gérés par l’association, qui ont tendance à être repliés sur eux-mêmes, afin d’y amener de la mixité et de contribuer à rendre les territoires plus résilient socialement. Cette réorganisation des lieux accompagne des changements plus profonds.

La gouvernance de l’organisme devient davantage horizontale. Le bénévole est moins « sauveur », mais plus dans l’échange. La nouvelle stratégie consiste à créer un réseau de solidarité basé sur la vulnérabilité partagée, qui s’adresse à toute personne vulnérable aujourd’hui ou susceptible de le devenir dans le futur.

Sur les quelques 200 implantations de la CRf, une quinzaine de lieux ont été sélectionnés comme pilotes pour y développer des tiers-lieux. Il s’agit principalement de maisons de retraite (EPAD), de lieux de soins psychiatriques et de lieux d’accueil d’urgence pour réfugié.e.s ukrainien.ne.s.


Pour Carine Sit, un tiers-lieu n’est pas uniquement un espace. La programmation est essentielle pour créer la mixité des usages et des publics. La communauté est donc la clé pour faire vivre le lieu. La communauté et la programmation favorisent d’avantage la dynamique d’inclusivité que le lieu en lui-même. L’enjeu principal est d’inciter les usager.ère.s à s’engager pour le bien commun en se l’appropriant.

Dans le cas de la Croix-Rouge, la gouvernance des tiers-lieux est pensée pour laisser un maximum de place aux usager.ère.s qui sont consulté.e.s pour la programmation. Dans certains cas, des usager.ère.s animent des événements communautaires, comme des cours de yoga. Il arrive aussi qu’iels prennent en charge certains rôles comme le design et la communication.


Encore éloigné du stade idéal de l’autonomie, ces lieux ont notamment encore besoin de personnes pour coordonner les actions. De plus, aucun modèle économique autonome n’a encore pu émerger puisque les structures sont contraintes par un cadre bureaucratique peu flexible et une grande dépendance vis-à-vis des subventions.


Les tiers-lieux de la Croix-Rouge française ne font pas l’unanimité auprès du public et du personnel des institutions. Néanmoins, selon Carine Sit, les discussions et débats sur le sujet permettent de remettre en question le système de fonctionnement des institutions. Il est pour elle nécessaire d’agir localement pour ensuite transformer à grande échelle. La réflexion sociale et culturelle des tiers-lieux doit donc d’accompagner d’une redéfinition du management des organisations. Au delà du défi qui est de permettre aux groupes invisibilisés et précaires d’agir pour s’approprier leur histoire, cette hybridation socio-spatiale est l’occasion de repenser la démocratie par le pluralisme.


Article issu de la discussion urbanology du 16.02.2023

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